Analytique, machine learning, deep learning... En usine, une fois les machines connectées et arrimées aux technologies de l’information (TI), la puissance de l’intelligence artificielle est à portée de main. D’ailleurs, beaucoup d’entreprises québécoises en profitent déjà. Coup d’œil sur l’usine du futur.
« L’usine 4.0 du futur est à mille lieues de la shop poussiéreuse et graisseuse d’autrefois, souligne Matthieu Lirette-Gélinas, expert en analytique manufacturière et président de Maverick Analytik. Elle devient un environnement technologique, ultra-propre, où les employés circulent avec des tablettes. Il va sans dire que c’est très attrayant pour la relève. »
Et la différence va bien au-delà de l’image. Les nombreuses usines et manufactures québécoises qui ont pris le virage 4.0 ont d’abord fait un sérieux travail de mise à niveau de leurs technologies opérationnelles (TO) et de leurs technologies de l’information (TI), en connectant leurs machines et en bonifiant leur réseau informatique. Elles sont maintenant prêtes à valoriser leurs données de production, et ont accès à un monde de possibilités.
L’usine connectée offre en effet une multitude d’avenues. L’entretien, par exemple, prend une nouvelle dimension : « Par l’apprentissage machine (machine learning), on peut déceler les signes précurseurs d’un bris d’équipement — comme une augmentation de pression ou de température — et apporter les correctifs avant que le bris survienne, dit Matthieu Lirette-Gélinas. »
Avec l’apprentissage profond (deep learning), on peut même automatiser la détection de phénomènes très subjectifs, comme un défaut esthétique, à l’aide de simples images.
Le contrôle de la qualité est lui aussi métamorphosé par l’intelligence artificielle. « C’est facile d’identifier un produit défectueux à la sortie de la chaîne de montage, mais c’est moins facile d’en identifier la cause parmi tous les évènements qui surviennent pendant la production, dit Pierre Tocci, conseiller stratégique en transformation TI chez NOVIPRO. En faisant une corrélation des données, on élimine le "bruit" pour faire ressortir les causes réelles de la défectuosité. »
« Une usine dont la chaîne de montage s’adapte en temps réel présente un véritable avantage concurrentiel pour le développement de nouveaux produits, poursuit Pierre Tocci. Les tests se font rapidement, et on peut entrer sur le marché avant tout le monde. »
Pour tirer tous les avantages d’un virage 4.0, une entreprise connectée doit porter une attention particulière à ses données de production, dont la qualité et la pertinence deviennent vitales. « On doit s’assurer que les données collectées ont bien le sens qu’on leur prête, explique Matthieu Lirette-Gélinas. Si, par exemple, une machine continue de compiler les données pendant qu’elle est en arrêt, cela fausse complètement les analyses ! »
Le département TI doit aussi se montrer à la hauteur de son nouveau rôle de soutien des opérations. « Le pire qui peut arriver, prévient Pierre Tocci, c’est que le réseau informatique soit incapable de soutenir l’augmentation du débit de données qu’entraîne la croissance des technologies opérationnelles. On sape alors son propre modèle de succès. »
« La collecte et le stockage de données machine ne sont pas une fin en soi. C’est l’utilisation de ces données qui informe les gestionnaires, afin qu’ils puissent prendre de meilleures décisions basées sur leur instinct et leur expérience, explique François Vienneau Binette, concepteur de solutions Big Data chez NOVIPRO. Il faut en effet se poser des questions d’affaires et avoir les outils et les données nécessaires pour répondre à ces questions, sinon l’investissement n’est pas intéressant. »
Par chance, la transition vers le 4.0 est en elle-même un facteur d’attractivité du talent, qui vient pallier naturellement les écarts de compétences. « Les nouveaux postes offerts sont à la fois créatifs et motivants, car on se débarrasse progressivement des tâches routinières. Cette transition aide à mobiliser le talent local », explique Pierre Tocci.
La valorisation des données devient aussi un facteur de mobilisation dans l’usine. « Cela permet de décloisonner les départements, soutient Matthieu Lirette-Gélinas. On travaille tous à partir du même cadre de référence, soit les données de production. C’est très stimulant pour une équipe de s’attaquer à des problèmes communs et de pouvoir les résoudre ensemble. »
Bienvenue dans l’usine du futur !