Le Canada est l’un des chefs de file mondiaux dans la recherche en intelligence artificielle (IA). Pourtant, les entreprises canadiennes tardent encore à investir dans ce domaine. Une réalité qui doit changer, et vite, selon une récente étude Léger menée pour le compte de NOVIPRO.
Dans la 2e édition de son Portrait des TI dans les moyennes et grandes entreprises , publié le 5 février dernier, NOVIPRO révèle qu’à peine 23 % des entreprises canadiennes projettent d’investir en intelligence artificielle d’ici 2020.
Bien que 88 % d’entre elles prévoient d’importants investissements en technologies de l’information (TI) dans les deux prochaines années, l’intelligence artificielle ne figure qu’au 4e rang de leurs priorités, derrière les infrastructures (52 %), les solutions d’affaires (43 %) et les services professionnels (39 %).
Un virage devenu nécessaire
Pour Éric Cothenet, directeur Solutions technologiques chez NOVIPRO, les entreprises canadiennes doivent accélérer le rythme pour demeurer compétitives. « De façon générale, les entreprises privées canadiennes ont un retard de 5 ans environ en TI, dit-il. En ce qui concerne l’intelligence artificielle, le fossé se creuse vite ! En 2016, nos voisins du Sud généraient déjà 66 % des investissements mondiaux en intelligence artificielle. Aujourd’hui, ils investissent dix fois plus que nous, et cette différence se chiffre en milliards de dollars.»
Le gouvernement chinois a aussi emboîté le pas l’été dernier en investissant massivement pour encourager ses entreprises à s’impliquer en IA. Le pays vise à devenir le premier centre d’innovation en intelligence artificielle au monde d’ici à 2030, et projette de faire grimper la valeur de cette industrie à quelque 150 milliards de dollars.
Des ressources inexploitées
Le Canada se positionne pourtant comme l’un des chefs de file mondiaux de l’innovation en IA grâce à de prestigieux centres de recherche, comme l’Institut des algorithmes d’apprentissage de Montréal (MILA) de l’Université de Montréal, l’Institut Vector de l’Université de Toronto et l’Alberta Machine Intelligence Institute (AMII) de l’Université de l’Alberta. Ces centres regroupent certains des plus brillants cerveaux de la planète, comme Yoshua Bengio, directeur fondateur du MILA, spécialiste en IA et pionnier mondial en apprentissage profond (deep learning).
Malheureusement, les entreprises privées canadiennes tardent à tirer profit de ces précieuses ressources. « Ces centres reçoivent des subventions de grandes entreprises américaines, comme Google, Samsung, Facebook ou Microsoft, dit Éric Cothenet. Les entreprises canadiennes, par contre, investissent peu dans la création de produits reliés directement à l’intelligence artificielle. »
Yoshua Bengio a d’ailleurs sonné l’alarme en octobre 2017 : faute de voir apparaître de grands joueurs en IA sur son territoire, le Canada risque d’assister à un exode des cerveaux et à une fuite des brevets vers les États-Unis. « Même si ces grandes entreprises qui s’installent à Montréal contribuent de belle façon à l’écosystème, on aura besoin, d’ici quelques années, d’entreprises canadiennes pour lancer le pays sur la voie du succès international », a déclaré le chercheur à la Presse canadienne.
Investir dans l’innovation
Si les organisations d’ici considèrent encore l’IA comme un projet à long terme, c’est qu’elles y voient dans l’immédiat peu d’applications concrètes et rentables. « En TI, beaucoup de technologies apparaissent très rapidement pour mourir presque aussi vite, explique Éric Cothenet. Les entreprises ayant une certaine maturité technologique attendent donc de voir des retombées réelles avant d’adopter une nouvelle technologie. »
L’intelligence artificielle est pourtant déjà à leur service, travaillant dans l’ombre pour assurer la sécurité de leurs données et améliorer leurs opérations. « L’IA est notamment intégrée aux logiciels de sécurité et d’intelligence opérationnelle, où elle joue un rôle inestimable », souligne le spécialiste en TI, rappelant du même souffle que ces logiciels sont des produits… américains.
Franchir la première étape
Le premier pas vers l’innovation en IA est pourtant à la portée des entreprises canadiennes : un simple courriel aux laboratoires canadiens pourrait déboucher sur un fructueux partenariat public-privé. « Les décideurs doivent se rappeler que c’est grâce à la recherche qu’on développe de nouveaux produits, et qu’il est important d’investir en innovation. Les ressources sont là ! Il s’agit de se mettre en contact avec elles pour avancer », conclut Éric Cothenet.