Le gouvernement canadien achève la mise en place du cadre législatif qui permettra l’arrivée de l’open banking au pays. Les experts prédisent que son arrivée entraînera un changement de paradigme important dans tout le domaine financier. À quoi doit-on s’attendre?
Bien qu’elle soit en vigueur en Europe, en Angleterre et aux États-Unis depuis déjà quelques années, la pratique de l’open banking, ou système bancaire ouvert, n’est pas encore permise au Canada. Les travaux parlementaires sur le sujet allant bon train, les experts s’attendent à ce que le cadre législatif nécessaire à son déploiement soit adopté vers la fin de l’année 2023 ou au début de 2024.
Si on le ramène à sa plus simple expression, l’open banking représente l’ouverture des données financières pour permettre un meilleur échange d’information entre les acteurs du domaine financier, explique Carl Cabou, spécialiste technique chez IBM. « Plus spécifiquement, c’est une technologie et un ensemble de pratiques qui permettent à un consommateur d’autoriser une ou plusieurs banques à partager ses données financières personnelles à des entreprises tierces, que ce soit d’autres banques ou des entreprises de technologies financières (fintech) », précise-t-il.
Un nouveau marché
Dans un premier temps, l’open banking permettra à chaque personne qui le souhaite de visualiser l’ensemble de ses données financières à partir d’une seule application, même si elle fait affaire avec plusieurs institutions financières, indique Carl Cabou. Dans un deuxième temps, l’open banking permettra d’aller beaucoup plus loin, avec l’arrivée de plusieurs nouveaux produits financiers, en plus de tout un écosystème de fintech. « C’est un tout nouveau marché qui va s’ouvrir et, avec lui, une meilleure capacité d’innovation des institutions financières. »
Ce nouvel écosystème technologique offrira aussi beaucoup de possibilités pour les entreprises d’autres secteurs que le financier, en particulier pour les PME, ajoute-t-il. Par exemple, de nouvelles solutions permettant d’automatiser une grande partie de la comptabilité ou des transactions ont déjà fait leur apparition dans les pays qui connaissent l’open banking.
Les API et la sécurité au cœur du changement
Pour s’accomplir, cette révolution s’appuiera sur les interfaces de programmations (API). Cette approche aide à mettre en place un environnement propice à l’émergence de nouvelles startups de la fintech et permet aussi aux banques d’aborder cette transformation en minimisant les changements dans leurs systèmes informatiques existant, dit Carl Cabou.
Les API offrent aussi l’avantage de pouvoir réaliser cet échange de données avec des techniques éprouvées du point de vue de la sécurité, remarque-t-il. Les données bancaires et financières sont, par leur nature, extrêmement sensibles. L’arrivée de l’open banking entraîne donc bien évidemment plusieurs considérations sur le plan de la cybersécurité et de la protection des données personnelles.
« C’est évident que les banques et les fintechs vont devoir mettre des efforts en termes de cybersécurité. Mais si elles s’organisent bien, il n’y a pas de raison pour que l’open banking ne soit pas sécuritaire à 100 % », fait remarquer le spécialiste.
Le rôle clé du législateur
Pour que la mise en place de l’écosystème de l’open banking se déroule bien, les entreprises devront aussi consentir à une certaine uniformisation de leurs processus, note-t-il. « En Europe et aux États-Unis, les banques ont souvent essayé d’imposer leur façon de faire, et ça ne marchait pas vraiment. » Les gouvernements ont donc dû intervenir pour s’assurer que les processus clés étaient les mêmes pour tout le monde et ainsi permettre à l’open banking de réellement prendre son envol, précise Carl Cabou.
L’expérience acquise par les pays qui ont déjà adopté la pratique montre, selon lui, que cette approche standardisée est particulièrement importante pour tout ce qui entoure les processus d’autorisation. « Ils doivent être similaires d’une banque à l’autre pour que les citoyens puissent autoriser les différentes institutions bancaires à divulguer de l’information, dit-il. Il faut aussi être en mesure de retirer son consentement au besoin, ce qui est tout aussi important du point de vue de la protection des données. »
En attendant la sortie du cadre législatif qui soutiendra l’open banking, les banques et entreprises peuvent déjà se préparer en regardant ce qui se passe là où la pratique est déjà permise, estime Carl Cabou. « L’avantage qu’on a au Canada, c’est qu’en arrivant plus tard, on peut s’appuyer sur ce qui existe déjà ailleurs. »